BIOMANITY : UNE INNOVATION ÉCOLOGIQUE À FORT IMPACT

Biomanity est à l’origine du premier polymère super-absorbant 100 % biosourcé et biodégradable. Ce produit unique, aux multiples applications, représente une innovation de rupture pour plusieurs marchés. La startup entre désormais dans une phase préindustrielle. Rencontre avec Bernard Gainnier, cofondateur de l’entreprise Biomanity

Publié le 23/04/2024

La ChemTech : comment est née votre entreprise ?

Bernard Gainnier : À l’origine de Biomanity se trouve la découverte d’un produit de super absorption qui, en présence d’eau, forme un gel. Celui-ci est déjà utilisé, notamment dans le domaine de l’hygiène, dans la fabrication des couches-culottes par exemple, avec l’avantage de pouvoir contenir des liquides. Mais la limite du produit existant est qu’il s’agit d’un polymère pétro-sourcé, ce qui pose bien sûr un problème écologique majeur.

Pour un tel produit dont les usages peuvent être très variés, notre idée a été de chercher une solution avec des propriétés hyper-absorbantes intéressantes qui soit à la fois biosourcée et biodégradable, afin de répondre pleinement à des enjeux d’avenir.

La ChemTech : dans quel contexte avez-vous abouti à un tel produit ?

B. G. : Après quelques années de recherche, et grâce à une importante levée de fonds, nous avons lancé en 2022 un programme de collaboration avec l’École Nationale Supérieure de Chimie de Montpellier (ENSCM) en vue de développer ce produit innovant et éco-responsable. Celui-ci est constitué de chitosan, une molécule issue des carapaces de crevettes, de crabes, de champignons, ou encore d’insectes. Le chitosan est un biopolymère naturel, encore peu valorisé à l’heure actuelle, reconnu comme une molécule d’intérêt mondiale puisqu’elle est, après la cellulose, la deuxième source de biomasse dans le monde.

La ChemTech : quelles sont les perspectives de marché de cette innovation ?

B. G. : Nous sommes déjà en relation avec de nombreux acteurs sur différents segments comme le marché de l’hygiène, celui des produits cosmétiques. La déshydratation de boues est un autre champ d’application. Mais l’un des grands marchés prometteurs, pour lequel nous avons d’ailleurs imaginé ce produit, est l’agriculture.

La super-absorption permet d’imaginer un biomatériau universel qui permet de résoudre les problèmes de l’eau et des engrais, en réduisant drastiquement leur consommation. Les volumes d’eau et les fertilisants peuvent être réduits de 50 %, grâce à cette technologie innovante. Les impacts potentiels sont donc considérables sur la préservation de la plus précieuse des ressources, ainsi que sur les émissions de gaz à effet de serre, les fertilisants représentant une importante source de pollution.
Avec notre procédé, l’eau et des fertilisants écologiques peuvent être encapsulés et relâchés de façon lente et progressive au niveau des sols. Ces nouvelles pratiques permettent de se projeter pleinement dans l’agriculture de demain.

La ChemTech : la demande est-elle déjà présente pour ce type de produits ?

B. G. : Oui. Cette innovation arrive à point nommé puisque le recours aux produits super-absorbants traditionnels, non biosourcés, est de plus en plus restrictif. Bon nombre d’usages sont d’ores et déjà interdits par l’Union européenne, en raison de l’accumulation de plastique dans les sols et dans l’eau qu’ils engendrent.

Si le marché des polymères non écologiques de ce type affiche une croissance annuelle 2 %, celui des polymères biosourcés et biodégradables s’élève à 22 %. De nombreux industriels veulent dès maintenant se désolidariser des usages de polymère provoquant des déchets plastiques.

À noter que les performances du produit unique que nous avons élaboré sont semblables à celles des polymères super-absorbants classiques non écologiques, c’est-à-dire qu’un gramme utilisé permet d’absorber intégralement 50 centilitres d’eau.

La ChemTech : quelles sont les prochaines étapes pour Biomanity ?

B. G. : Nous venons de conclure une deuxième levée de fonds afin de poursuivre le développement de ce biomatériau. Celle-ci nous permettra de passer à une phase de pré-industrialisation avec la création d’un démonstrateur industriel, de tester les usages pour aboutir à des précommandes et des préventes dans les deux à trois ans à venir. L’objectif sera ensuite de créer une première usine de produits super-absorbants biodégradables et biosourcés.

Parmi les différents marchés cibles, celui de la déshydratation de boues sera peut-être le plus rapidement accessible car l’usage est simple, le besoin est fort et les économies de coûts sont très significatives. Il n’existe aucune autre technique équivalente actuelle pour traiter efficacement des volumes importants de boues sans additifs d’origine pétrochimique qui se transforment au fil du temps en microplastiques.